Démocratie

Faire de la politique, c’est quoi ?

Les chercheurs qui travaillent sur des projets comme l’avion Solar Impulse font de la politique, car ils contribuent à sauver la planète en proposant des solutions alternatives aux carburants du pétrole. Les organisations humanitaires qui apportent aux populations assoiffées des techniques qui leur permettent d’accéder durablement à l’eau font de la politique.

« Faire de la politique » c’est participer à la transformation de la vie quotidienne d’une population. C’est engager des projets pour développer l’économie d’un territoire, y multiplier les solidarités, en améliorer le cadre de vie, protéger l’environnement, promouvoir des démarches culturelles… En ce sens, tout citoyen actif « fait de la politique » . Pas seulement les partis politiques.

Christian Proust « Oser s’impliquer dans la vie politique locale »

Pourquoi la démocratie ne nous protège plus ?

France culture, la grande table le 28 août 2019

L’achèvement de la démocratie, c’est d’accepter le pluralisme, or, dans nos démocraties inachevées, on cherche à développer l’entre-soi.

Le système représentatif ne réalise pas la démocratie, il est à côté de la démocratie. En France, il y a un décalage extrême entre la représentation et la population.

Le G7 n’a aucune légitimité, mais l’ONU souffre également d’un déficit démocratique, c’est une aristocratie. Ses membres permanents ne sont légitimes que parce qu’ils ont gagné la Seconde Guerre mondiale.
(Monique Chemiller-Gendreau)

Déclin massif des formes de participation conventionnelle.

 

Déclin massif des formes de participation conventionnelle.La participation citoyenne est inégale dans nos sociétés. Elle varie en fonction de logiques d’âge et sociales (plus on est intégré, éduqué, plus on a de chances de participer). On peut appeler ce phénomène l’autocensure ; cela signifie qu’on ne participe pas car on ne se sent pas légitime. Prenons l’exemple du deuxième tour des dernières élections présidentielles : 15 % d’abstention + 7 % de non-inscrits, ce qui fait 22 % (soit ⅕) qui ne s’intéressent pas à la vie politique.

Les formes les plus classiques de participation sont désertes (vote, déclin du militantisme qui ne représente que 1% de la population française. En effet l’image sociale du militantisme est autant atteinte que l’image du politique).

Quelles en sont les raisons ?

– Déclin de la norme civique (le fait d’aller voter n’est plus prôné comme impératif, n’est plus sacralisé).

–  Affaiblissement des structures d’éducation qui incitaient les gens à aller voter (le travail est de plus en plus individualisé, il y a de moins en moins de conscience politique).

– Le système capitaliste a transformé les citoyens en consommateurs de produits mais aussi de politique (il les a placés à distance de la politique ; une logique de l’intérêt, de la marchandisation y compris de l’opinion s’est étendue).

Il existe trois types d’attitude du citoyen face au pouvoir politique :

– La défiance généralisée à l’égard de la politique : on assiste à un succès de la théorie du complot (tout le monde nous ment). Les effets positifs de cette défiance  résident dans le fait que les citoyens ne se soumettent plus, revendiquent le droit d’être entendus, incitent à ne plus se laisser embrigader par la politique, par une parole venue d’en haut. Il s’agit d’une révolution silencieuse : les citoyens revendiquent plus d’autonomie. Mais elle comporte aussi des effets négatifs : perte de confiance généralisée vis-à-vis des  personnalités politiques mais aussi des autres citoyens (les autres profitent et moi pas), renfermement, défiance préalable à l’apathie (si tout le monde ment, pourquoi s’engager, qui suivre ?).

– La contestation, l’expression critique : les gens sont de plus en plus partisans de la suppression des partis politiques. Il y a une critique radicale de la logique du système par une partie de la population : haine de la représentation. Le mouvement des indignés en Espagne, affirme qu’on peut se passer de la représentation, il faut imaginer des logiques de politique horizontale.

– L’indifférence : il s’agit de l’attitude la plus problématique. Elle naît d’un sentiment de distance (les politiques, les élites sont dans leur monde, nous n’y avons plus accès, sentiment d’abandon). Quelque soit celui pour qui un vote, ça ne change rien (ex : Traité Constitutionnel Européen en 2005, Syriza en 2015). La politique ne sert plus à rien, ce sont toujours les mêmes qui gagnent.  La tentation est de se replier sur la sphère privée.

Nous sommes face à une situation commune à l’ensemble des pays européens mais elle semble hypertrophiée en France.

Mais il y a des signes qui montrent qu’il est possible de remobiliser les citoyens.

– Rassemblement national du 11 janvier 2015. – Il y a encore un intérêt pour la politique selon les sondages.

– Le second tour des élections présidentielles remobilisent les citoyens.

– Il existe des mobilisations locales pour améliorer le cadre de vie des habitants et des prises de conscience dans l’action.La solution aux problèmes réside dans la mobilisation citoyenne.

 

COMPTE-RENDU DE CONFÉRENCE

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DES 9 COMMISSIONS DE QUARTIER DE DIJON

HÔTEL DE VILLE DE DIJON,
le mercredi 30 septembre 2015 à 19h

Conférence menée par LOÏC BLONDIAUX, sociologue et professeur de sciences politiques à Paris I, spécialisé dans la question de la démocratie participative.

Où en est la démocratie participative ?

 

La démocratie participative est l’association des citoyens ordinaires au processus d’élaboration des décisions publiques.  Naissance du terme dans les années 1990 en France (Etats-Unis : 1962 par les étudiants),  même s’il existait des termes assez proches dans les années 1970.

Qu’est-ce que la démocratie participative aujourd’hui ?

– Il s’agit d’une  plutôt qu’une demande (les gens ne demandent pas de conseils de quartier). – Il existe des dispositifs très nombreux : tout existe pour faire de la démocratie participative.

Si on veut faire participer les gens, on peut mais la politique n’en a pas la volonté et c’est là que réside le problème.

– Les démocraties n’ont de réalité que lorsque les citoyens s’intéressent et participent au processus de décision.

Pour rendre les décisions politiques plus rationnelles, il faut que tous les citoyens puissent y participer et avoir leur mot à dire. Pour que les décisions soient légitimes, on regarde la manière dont elles ont été prises plutôt que l’autorité qui les prend. Ex : Les communautés de communes sont des arènes de négociations entre les élus sans contrôle démocratique.

La démocratie participative est une promesse non tenue, elle relève aujourd’hui de l’illusion. Il s’agit d’un marketing et qui se fait passer pour de la démocratie.

On constate un essoufflement des dispositifs institutionnels : il y a très peu d’endroit où les conseils de quartier fonctionnent.

En voici les raisons :

– Indisponibilité des citoyens : les personnes marginales ou sans emplois ne se sentent pas légitimes, ceux qui  travail n’ont pas le temps.

– Réticences fortes des élus : 95 % n’y croient pas et font  de la démocratie participative à contrecœur, ils se pensent eux-mêmes les seules acteurs légitimes. Les préfets, les experts, les techniciens, les ingénieurs sont formés à la conscience qu’ils  sont les meilleurs, ceux qui savent. Il s’agit de les convaincre que chacun a son mot à dire.

– Les citoyens eux-mêmes sont réticents quelquefois : les associatifs ont peur d’être court-circuités par rapport aux relations privilégiées qu’ils entretiennent avec les élus.

– Il y a une culture d’autorité démocratique en France : nous personnalisons à l’extrême les fonctions de pouvoir. Les élus sont autant traînés dans la boue que sacralisés. On attend tout de l’élu, de l’État. C’est une déresponsabilisation, une infantilisation des citoyens. (Ex : à l’Education Nationale, le professeur exerce une pédagogie descendante et n’enseigne pas aux élèves à prendre la parole).  De plus, ce sont toujours les mêmes citoyens qui prennent la parole, ils ne sont donc pas pris au sérieux. Si on veut que d’autres participent, il faut des moyens de communication et des enjeux réels, des questions fondamentales. Ex : budgets participatifs.

Il y a des problèmes, mais il y a aussi des réussites.

Pour réussir :

– Il faut vouloir que ça marche : quand ça fonctionne, les élus et experts se sentent mal à l’aise car ils ont conscience qu’on pourrait faire sans eux, que les citoyens pourraient faire à leur place.

– Il faut un cadre clair. – Il faut être très professionnel, avoir le souci du détail : qualité de l’animation, outils utilisés…

– Il faut des tiers indispensables pour garantir la qualité des dispositifs et débats (en quelque sorte des arbitres).  Les élus sont mal à l’aise car ce sont d’habitude eux qui mènent les débats.

– Ne jamais oublier les absents : il faut trouver le moyen d’aller les chercher ou les faire représenter. – Il faut accepter le désordre, le conflit, c’est ainsi que naissent les idées  novatrices.
– Il faut que la démocratie participative soit professionnalisée.

Est-ce que la démocratie participative permet de retrouver une confiance dans la politique, dans un contexte d’inégalités sociales, et où le pouvoir politique n’a plus véritablement d’influence ?